Développement de l'offre de rééducation
En bref
Identification du besoin
MSF et La Fondation MSF ont fait le constat commun, remonté par les équipes sur les terrains, qu'au-delà de la traumatologie, peu de domaines en rééducation sont couverts sur les terrains MSF. Ce constat croise celui effectué par l'OMS : dans les pays à revenu faible et intermédiaire, plus de 50% des patients ayant besoin de rééducation n’y ont pas accès.
Ce manque de soins de rééducation peut entrainer de graves conséquences physiques, fonctionnelles, psychologiques et sociales sur les patients : par exemple pour les problèmes de développement neuromoteur des enfants, chez les patients brûlés, en oncologie, pour les femmes victimes de violences sexuelles, ou suite à des accouchements compliqués.
La réponse de La Fondation MSF
La rééducation dans les pays à hauts revenus démontre le bénéfice de pratiques spécifiques pour ces pathologies. Elle réduit la dépendance au système de santé, prévient des réadmissions et des chirurgies de reprise. Elle prévient et lutte également contre les complications fonctionnelles et permet la réintégration du patient dans son environnement.
Pour tenter de répondre à cet enjeu de santé et apporter une solution à ce constat alarmant, La Fondation MSF et MSF vont supporter et mettre en place des pratiques spécifiques à ces pathologies sur des terrains MSF où cette offre de soins de rééducation n’est pas ou trop peu disponible. La Fondation MSF va mobiliser ainsi un réseau d’experts spécialistes sur ces pratiques de rééducation et sur les champs identifiés. Ces experts pourront évaluer les besoins, proposer une mise en place optimale pour la mission (patientèle, volume, complication etc…) et accompagner à l’implémentation (tutorat, mission, création d’un corpus de formation adéquat) de ces nouvelles pratiques sur certains terrains MSF.
Trois champs ont été identifiés pour le premier volet du programme : pédiatrie, santé de la femme et brûlure.
Où en est le projet ?
En détail
La naissance du programme
Les départements médicaux et opérationnels de MSF et La Fondation MSF ont pu au fil des années poser un constat partagé sur le manque de prise en charge en rééducation sur les terrains d’intervention, en dehors des projets de prise en charge de la traumatologie champ historique de MSF. Un consensus a émergé sur les conséquences parfois dramatiques sur nos terrains de ce manque de soins spécifiques. Toutes les parties prenantes ont donc convergé naturellement vers une volonté commune de développer l’offre de soins de rééducation pour les patients.
La première étape consistait à identifier concrètement les besoins en rééducation non couverts. Pour y parvenir, il était indispensable de travailler avec les équipes opérationnelles sur nos terrains d’intervention. C’est pourquoi, fin 2022, les équipes de La Fondation MSF, spécialistes dans le domaine de la rééducation, ont lancé une vaste enquête auprès des terrains MSF. Cette étude a permis de cartographier les besoins, les capacités et les souhaits des terrains pour explorer la place de la rééducation dans nos missions.
En 2023, l’analyse des résultats de cette enquête et les échanges réguliers et récurrents avec les équipes terrains ont fait émerger de nouveaux champs et besoins
Parmi ces champs d’intervention, 3 secteurs ont été priorisés avec les départements opérationnels et médicaux de MSF pour démarrer la mise en œuvre de ce nouveau projet :
- Santé des femmes sur les axes suivants : cancer col de l’utérus, gynécologie/maternité et violences sexuelles
- Pédiatrie : la prise en charge des troubles du développement dans les cas de malnutrition et la rééducation neuro-pédiatrique pour les enfants avec pathologie diagnostiquée
- Brûlure : pratiques de rééducation sur la brûlure
Méthodologie de la mise en œuvre.
La Fondation MSF a identifié des experts dans chacun de ces domaines spécifiques. Ces experts participeront à la mise en place des projets, interviendront pour accompagner la pratique clinique et le suivi des patients, pour développer des procédures standards et des formations, pour sélectionner le matériel nécessaire et enfin pour participer à de potentiels projets de recherche.
Les 3 projets pilotes en 2023
Les projets pilotes mis en place par La Fondation MSF avec les équipes MSF, notamment les départements médicaux et opérationnels, pourront être repris au niveau local après une période d’implémentation et de transition.
1.Le projet Haydan, Yémen - Pédiatrie - Malnutrition
Ce projet concerne le développement neuromoteur en pédiatrie. Lucile Saint-Louis, experte en rééducation pédiatrique, a été identifiée et recrutée par La Fondation MSF et s’est rendue à Haydan de septembre à décembre 2023.
Sur ce projet, un physiothérapeute présent en 2022, sensibilisé à la prise en charge du développement neuromoteur de l’enfant, avait alors réalisé un état des lieux sur les problèmes liés à la malnutrition. L’objectif de Lucile, en s’appuyant notamment sur cet état des lieux encore aujourd’hui très précieux, était de démarrer l’implantation du volet de rééducation pédiatrique avec les équipes du projet MSF, équipes qui lors de l’étude préliminaire avait demandé cette intervention.
Lucile Saint-Louis a pu explorer, analyser l’ensemble des éléments lors de sa présence à Haydan et discuter avec les équipes pour trouver avec elles un setup efficace pour la mise en place rapide de ces nouvelles pratiques.
Les fondations de la motricité de l’enfant, qui se mettent en place dans les deux premiers semestres de sa vie, sont un support indispensable pour tout le reste de son développement. Le travail autour de cette motricité s’inscrit dans une démarche pluridisciplinaire autour de l'enfant qui prend en compte l'environnement, les émotions et enfin la motricité. Lucile Saint-Louis a commencé à former les kinés, les médecins et les infirmières à ces pratiques. La mise en place de ces sessions autour de la motricité des tous petits permettra de prendre en charge plus tôt l’enfant. Les équipes soignantes auront ainsi les moyens de travailler en pluridisciplinarité sur la santé globale des enfants à Haydan. Ces enfants, qui en raison de la précarité du contexte (pays en guerre) et de la malnutrition importante sont nombreux à présenter des retards de développement qui pèseront irrémédiablement sur leur développement général.
2. Le projet à Jahun, Nigéria - Santé de la femme
Ce projet concerne la prise en charge des fistules vesico-vaginales et du post-partum dans son ensemble dans la maternité supportée par MSF à Jahun au Nigéria.
Elizabeth Braga, nouvelle spécialiste de rééducation en santé de la femme, experte identifiée et recrutée par La Fondation MSF s’est rendue à Jahun en septembre et octobre 2023. Elle a pu établir un bilan des besoins en rééducation dans le projet et évaluer les possibilités de mise en place de nouvelles pratiques de rééducation notamment périnéales d’une part et d’autre part de prise en charge postpartum et des fistules pour ces femmes.
Les femmes qui arrivent dans notre projet MSF à Jahun font face majoritairement à des accouchements longs et difficiles, avec comme conséquence de ces complications, l'apparition de fistules obstétricales (une perforation se produisant fréquemment entre la vessie et le vagin). En terme fonctionnel, la fistule provoque des écoulements involontaires et une incontinence urinaire. Son traitement repose souvent uniquement sur la chirurgie.
Pour autant la physiothérapie joue un rôle majeur dans le traitement de ces pathologies. Son rôle principal est péri opératoire. En agissant directement sur le plancher pelvien (qui est une famille de muscles qui a besoin d'être rééduquée et réhabilitée), elle participe à assurer les meilleures conditions possibles pour ces femmes et contribue ainsi grandement à améliorer les résultats de l’opération.
Ce projet de nouvelles pratiques de physiothérapie ne se limite pas au plancher pelvien. Les équipes travaillent aujourd'hui sur l’ensemble des besoins et assistent les patientes dont l’état général est dégradé et impacté par les complications associées.
Sans physiothérapie à cette étape de soins, les conséquences sur la vie de ces femmes sont souvent dramatiques, que ce soit au niveau de leur environnement social (stigmatisation, abandon) ou physique (complications, état très dégradé). Au premier semestre 2024, Elizabeth Braga devrait revenir à Jahun pour former les équipes du Ministère de la Santé du Nigéria aux pratiques de rééducation.
3.Le projet à Atmeh, Syrie - Brûlure
Ce projet concerne l’ensemble des pratiques de rééducation autour de la brûlure, aigue comme chronique.
Elise Tauveron, physiothérapeute spécialiste de la brûlure, est l’experte identifiée et recrutée pour explorer et mettre en place les pratiques de rééducation sur la brûlure dans le projet MSF à Atmeh. Elle apporte au développement de ce volet toute l’expérience et l'expertise qu’elle a amenée aussi sur le projet 3D des masques compressifs déployé en Haïti, en Jordanie et à Gaza (lien).
Depuis 2013 le projet MSF d’Atmeh en Syrie offre des soins aux patients victimes de brûlure. Avec ses 22 lits d’hospitalisation et ses 3 structures ambulatoires pour toute la région, le besoin en rééducation y est très conséquent. Malheureusement, de 2014 à 2022, les équipes internationales n’ont pu se rendre physiquement sur place laissant les équipes sur place isolées et sans réelle formation spécifique. Or la prise en charge des patients brûlés, en général comme en rééducation, nécessite une très grande technicité et un apprentissage spécifique et unique. En 2023 l’équipe de rééducation sur place a été renforcée, passant de 3 à 8 kinésithérapeutes. C’est sur la formation de ces équipes à cette prise en charge si particulière que La Fondation MSF intervient. Elise Tauveron, accompagnée de Sajdy Molla, Focal Point Régional pour le programme 3D, se sont rendus dans un premier temps sur le projet afin d’évaluer les besoins de formation. Sur la base de cette évaluation ils ont pu lors d’une seconde visite démarrer les sessions de formation pendant une semaine, notamment sur les bases de la prise en charge des patients brûlés en rééducation. Cette première formation sera suivie d’un soutien et de compléments de formation à distance. De futures visites sont prévues afin de parfaire la connaissance et la pratique de l’équipe. Elles permettront également d’évaluer les possibilités de mise en place d’un projet complémentaire de masques compressifs pour les brûlés, comme les équipes ont déjà pu le faire en Haïti